Coûts et financement de l'agriculture suisse
(VL) Qui doit supporter les coûts de la production de biens et de services ? En principe, la réponse est claire et largement reconnue : C'est celui qui génère les coûts qui doit payer. Si c'est le cas, il y a "vérité des coûts". Dans l'agriculture et l'alimentation, ce principe est aujourd'hui renversé. L'État favorise massivement les modes de production et de consommation néfastes pour l'environnement. Les biens produits de manière non durable deviennent ainsi beaucoup trop bon marché et les biens durables trop chers. Le problème n'est donc pas le consommateur qui n'est pas prêt à payer nettement plus pour des aliments durables, mais un système de politique agricole qui déforme les prix en faveur d'une consommation non durable et qui entrave ainsi systématiquement un comportement de consommation durable. Une nouvelle étude de Vision Landwirtschaft quantifie pour la première fois l'ampleur de ces distorsions. Pour atteindre les objectifs de la politique agricole en matière d'environnement et de sécurité alimentaire, il sera inévitable de réorienter fondamentalement le système actuel vers la vérité des coûts.

La vérité des coûts est un principe fondamental d'une économie de marché transparente et équitable. Celui qui génère des coûts doit les assumer. Dans le domaine des transports, on l'a compris il y a de nombreuses années déjà : les coûts englobent, outre les coûts privés des véhicules et des carburants, d'autres domaines de coûts : Les coûts pour les contribuables, par exemple par la construction de routes, et les coûts à la charge de la collectivité par la pollution de l'environnement et les accidents de la circulation, appelés coûts externes. L'Office fédéral de la statistique (OFS) publie régulièrement le montant total des coûts des transports et qui les supporte.
Quelle est la situation dans le secteur agroalimentaire ? Outre les consommateurs, les contribuables et la collectivité supportent une partie des coûts. Mais jusqu'à présent, l'ampleur de ces coûts n'a jamais été déterminée dans l'agriculture, contrairement aux transports. Vision Landwirtschaft présente aujourd'hui pour la première fois une statistique qui recense de manière transparente l'ensemble des coûts de la production de denrées alimentaires et les ventile en fonction des agents payeurs. Les statistiques officielles de la Confédération et un calcul scientifiquement fondé des coûts externes de l'agriculture suisse ont servi de base à cette étude.
Loin de la vérité des coûts
Les résultats de l'étude le montrent : L'agriculture et l'alimentation sont aujourd'hui très éloignées du principe de la vérité des coûts. Des sources d'énergie fossiles à l'élimination des déchets d'abattage en passant par les contributions pour les pulvérisateurs de pesticides et la publicité pour la viande, la production alimentaire est subventionnée de toutes les manières possibles par la Confédération. A cela s'ajoutent les coûts environnementaux à la charge de la collectivité, causés par exemple par les pesticides ou les émissions d'ammoniac, qui nécessitent des contre-mesures coûteuses.
Particulièrement problématique : les produits qui causent le plus de dommages à l'environnement pour la collectivité sont les plus fortement subventionnés. La production d'aliments d'origine animale, qui représente la moitié de la production de calories et génère les trois quarts des coûts environnementaux de l'agriculture, soit 3,6 milliards de francs, est quatre fois plus subventionnée par la Confédération que la production d'aliments d'origine végétale. Pour la viande de bœuf, par exemple, les consommateurs paient donc moins de la moitié des coûts réels.
Contradiction avec les objectifs et les stratégies
Lorsque les haricots ou les burgers végétariens coûtent plus cher que le poulet ou la viande hachée, adopter un comportement durable revient à nager à contre-courant. Le point de vue populaire dans les milieux agricoles, selon lequel le problème réside dans le fait que les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus pour des produits durables, est trop réducteur. L'agriculture et l'alimentation sont parsemées de mauvaises incitations économiques qui entravent systématiquement les modes de production et de consommation sains et durables.
La politique de la Confédération est également en contradiction avec ses propres objectifs et stratégies, et pas seulement dans le domaine de l'environnement. Selon la stratégie alimentaire suisse (OFAG 2017), on consomme trop de viande ainsi que des produits laitiers à forte teneur en matières grasses et pas assez de produits céréaliers, de pommes de terre, de légumineuses et de légumes. La Confédération contribue donc, par ses conditions-cadres pour l'agriculture, à des modèles de consommation malsains et nuisibles à l'environnement.
L'absence de vérité des coûts explique aussi pourquoi la politique agricole, malgré les moyens importants qu'elle mobilise, est loin d'atteindre les objectifs fixés par le droit de l'environnement (voir rapport "Indicateurs pour l'évaluation de la politique agricole"). La Confédération verse aujourd'hui des centaines de millions de francs par an pour limiter les dégâts, c'est-à-dire uniquement pour éviter que les objectifs environnementaux ne soient encore plus largement manqués, comme le montre une étude actuelle de l'Institut fédéral de recherches WSL à l'exemple de la biodiversité.
Question d'équité
La vérité des coûts dans l'agriculture n'est toutefois pas seulement une condition préalable à la réalisation des objectifs environnementaux, c'est aussi une question d'équité. La politique actuelle, loin du principe du pollueur-payeur, pénalise par exemple ceux qui se nourrissent de manière respectueuse de l'environnement et des animaux ou les agriculteurs qui, par leur comportement, font beaucoup pour l'environnement.
Comment atteindre la vérité des coûts ?
La vérité des coûts dans l'agriculture signifie concrètement
- Les subventions liées aux intrants agricoles comme l'énergie fossile ou aux extrants comme le lait ou les déchets d'abattoirs sont éliminées.
- Les coûts à la charge de la collectivité dus aux émissions provenant de moyens de production importés ou fabriqués artificiellement (énergie fossile, aliments pour animaux importés, engrais minéraux, pesticides) sont imputés à leurs auteurs.
- Les atteintes à l'environnement qui se produisent dans le cadre de bonnes pratiques professionnelles basées sur les bases de production régionales et en utilisant des techniques qui préservent les ressources n'ont pas de conséquences financières pour les producteurs.
- Sont soutenues en tant que prestations d'intérêt général des prestations plus étendues telles que la production sans pesticides, la réduction des émissions de CO2 par la transformation de champs sur des sols marécageux en prairies, etc.
- Pour les denrées alimentaires importées, l'impact environnemental de la production est déclaré et soumis à des taxes afin d'éviter de pénaliser la production locale. Les droits de douane forfaitaires peuvent être réduits dans cette mesure.
Il en résulte que l'agriculteur qui pratique une agriculture durable peut produire à moindre coût que celui qui produit de manière polluante. Ainsi, les produits alimentaires respectueux de l'environnement sont moins chers en magasin que ceux qui sont produits de manière nuisible à l'environnement.
Un plan directeur est nécessaire
Un plan directeur est nécessaire pour ancrer la vérité des coûts également dans la politique agricole et éviter ainsi de continuer à mettre des milliards d'argent du contribuable sur le chemin d'une agriculture durable. Son horizon va au-delà des étapes quadriennales de la politique agricole. Il doit en outre être étroitement coordonné avec les objectifs et stratégies officiels de la Confédération dans les domaines de l'environnement, du climat, de la santé et de l'alimentation.
Littérature citée :
BLV (2017). Se faire plaisir et rester en bonne santé. Stratégie alimentaire suisse 2017-2024. Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires OFAG, Berne.
Émission ECO sur SRF, où l'étude est présentée

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