(VL) Pour leur travail final de quatre mois, quatre étudiants de la formation "Conseil en environnement" du WWF ont voulu s'intéresser à des paysans vaudois qui s'efforcent, de manière autonome, de lier l'écologie à la production. Le projet "de Paysan à Paysan" partait de la conviction que la pratique concrète d'une agriculture durable diffère fortement d'une exploitation à l'autre et que beaucoup ont trouvé des solutions très particulières et autonomes. L'objectif du projet était de découvrir ce trésor de savoir-faire souvent caché et de le "semer".

Les étudiants ont d'abord créé une association au nom imagé de "Pissenlit", qui leur a donné la légitimité nécessaire pour aller à la rencontre de 24 agriculteurs vaudois, sans connaissance particulière de l'agriculture et donc sans préjugés ni idées préconçues. Ils y ont cherché des pratiques particulièrement respectueuses des ressources et des sols et préservant la biodiversité. Tous les entretiens réalisés ont été filmés et ont fait l'objet d'un compte rendu détaillé. 

Le premier résultat du projet a été un répertoire de différentes connaissances spécialisées dans le domaine de la durabilité. Ce répertoire a été mis à la disposition des agriculteurs intéressés dans le but de les inspirer dans leurs propres efforts et de les mettre en réseau.

Les discussions intensives avec les agriculteurs ont également permis d'identifier les motivations et les obstacles à ces pratiques alternatives. Les agriculteurs à la recherche d'une agriculture plus durable sont souvent motivés par le souci de produire une alimentation saine et de qualité, tant pour eux-mêmes que pour la population. Ils souhaitent à la fois gagner de l'argent de manière équitable et se libérer de la pression de l'agro-industrie, qui grignote souvent une grande partie de leurs revenus. 

Dans de nombreuses exploitations, on constate par exemple qu'il leur manque des débouchés entre la vente directe, qui demande beaucoup d'efforts, d'une part, et le commerce de gros, dont les prix sont bas, d'autre part, dans la région. Une autre difficulté provient de la politique agricole qui, dans les régions favorables, encourage une production intensive par des exploitations aussi grandes que possible et ne crée pas assez d'incitations pour une création de valeur régionale. Les chefs d'exploitation sont très dépendants du système existant et souvent bien trop peu informés sur les alternatives. Le manque de formation sur les questions de biologie du sol est un exemple souvent cité. Beaucoup voient ici un très grand potentiel d'amélioration. Or, celui-ci n'est abordé ni dans la formation ni dans les paiements directs. Ceux qui s'attaquent à ce thème central pour une production durable se sentent rapidement abandonnés. L'association Pissenlit a dressé une liste de pistes permettant précisément de surmonter de tels obstacles.

L'objectif principal du projet "de Paysan à Paysan" était de valoriser le savoir-faire des paysans et de renforcer le réseau entre eux. Six portraits écrits ont été réalisés à partir de ces rencontres avec des paysans. Ils ont été publiés dans le journal et sur les sites Internet d'Uniterre, sur la page Facebook de l'association Pissenlit et sur la plateforme Internet Agroécologie Suisse. En outre, six petits films ont été réalisés et également mis à disposition sur ces sites Internet. L'organisation de visites de fermes fait également partie de la mise en réseau. A l'instar des bourses d'échange de semences, il s'agit ainsi de créer une bourse d'échange d'idées et de savoir-faire sur les pratiques agricoles durables.

Les coûts de production élevés, qui grignotent une grande partie des revenus au profit d'une industrie toute-puissante en amont et en aval, donnent à de nombreux paysans le sentiment d'être "étranglés", comme l'a constaté Pissenlit à maintes reprises. Mais les familles paysannes se sentent aussi souvent coincées entre les attentes des consommateurs en matière de normes écologiques élevées d'une part et leur exigence de prix avantageux d'autre part. "Dans un tel contexte, de nombreux paysans perdent de plus en plus la fierté de leur métier, car ils ne parviennent pas à vivre dignement de leur travail axé sur la durabilité et perçu comme fondamental", ont estimé les étudiants lors de l'entretien. 

Ce que Pissenlit a découvert dans son projet non conventionnel, marqué par une grande ouverture et un intérêt mutuel, nous semble remarquable. Nous n'avons pas connaissance d'un projet comparable en Suisse alémanique - plus encore : il serait probablement difficile à imaginer. Dans le cadre de notre travail en Suisse romande, nous constatons régulièrement à quel point le débat sur l'agriculture est différent parmi les agriculteurs et dans le public. En Suisse alémanique, l'aspect social, la qualité de vie individuelle et les motivations personnelles sont rarement au centre des préoccupations. Les discussions se déroulent à un niveau apparemment beaucoup plus rationnel, où les chiffres et les concepts occupent le premier plan, mais où les sensibilités et les forces humaines qui se cachent derrière sont volontiers laissées de côté. 

La biologiste Patricia Fry réalise depuis 2002 des films qui permettent de transmettre des expériences positives de paysans et de viticulteurs à d'autres paysans, conseillers ou enseignants, que ce soit pour une utilisation respectueuse des sols, une agriculture biologique ou l'entretien et la gestion des pâturages. 

L'association Pissenlit souhaite elle aussi miser encore davantage sur le moyen de l'image animée. Et elle cherche des partenaires pour une diffusion plus large des résultats et un développement du projet. Vision Landwirtschaft se met à disposition comme pont vers la Suisse alémanique et a suggéré d'étendre également le réseau de connaissances et d'idées initié par Pissenlit au-delà de la frontière linguistique. Tout comme les pissenlits ne respectent pas les frontières linguistiques lorsqu'ils sont emportés par le vent, il en va de même pour les idées. Nous serions heureux que les exploitations agricoles ou les organisations qui souhaitent participer à ce projet transfrontalier nous contactent !