Quand une station de recherche fait de la politique : Vision Landwirtschaft se distancie de l'étude d'Agroscope sur l'initiative sur l'eau potable
Une acceptation de l'initiative sur l'eau potable (IEP) aurait des effets positifs sur l'environnement et le revenu des agriculteurs en Suisse. C'est ce que montre une étude antérieure d'Agroscope. Dans une étude complémentaire publiée aujourd'hui, Agroscope intègre également les effets environnementaux à l'étranger. Et voilà : à l'étranger, le TWI aurait désormais des effets très négatifs sur l'environnement. Mais ce résultat n'est obtenu que par une série d'astuces et d'hypothèses totalement irréalistes.

(VL) La station de recherche Agroscope a publié aujourd'hui sa deuxième analyse sur les effets de l'initiative sur l'eau potable, qui tombe à point nommé pour les négociations de la CER du Conseil des Etats sur l'initiative sur l'eau potable (IEP).
Mais ce n'est pas seulement par son timing précis qu'Agroscope fait de la politique. Le contenu aussi relève plus de la politique que de la science. L'étude confirme certes une étude préliminaire qui constatait déjà : une acceptation de l'initiative sur l'eau potable réduirait en Suisse l'utilisation de pesticides de deux tiers et améliorerait en conséquence massivement la qualité de l'eau et de l'environnement.
Avec cette nouvelle étude, Agroscope veut maintenant découvrir que l'initiative sur l'eau potable est finalement mauvaise pour l'environnement. La raison : la Suisse devrait importer davantage de denrées alimentaires en raison de la diminution des rendements. Et chaque calorie importée de l'étranger serait massivement plus nocive pour l'environnement que les denrées alimentaires produites en Suisse.
Des astuces pour obtenir le résultat souhaité
Pour étayer cette affirmation aventureuse - avec laquelle Agroscope contredit par ailleurs de nombreuses autres études - la station de recherche fonde sa modélisation sur des hypothèses proprement ahurissantes.
Vision Landwirtschaft faisait partie du groupe d'accompagnement de l'étude et a critiqué avec véhémence ces hypothèses. Dans aucun cas, Agroscope n'a tenu compte des points critiqués par le groupe d'accompagnement et n'a corrigé aucune des hypothèses de modélisation totalement irréalistes.
Un exemple : dans son modèle, Agroscope suppose qu'en Suisse, les PPS entraînent une extensification, ce qui a relativement peu d'impact sur le bilan écologique, mais se traduit par une baisse de la production. Cela entraîne une augmentation des importations. A l'étranger, Agroscope suppose en revanche que pour chaque calorie supplémentaire importée, des terres agricoles supplémentaires sont utilisées au détriment de surfaces proches de l'état naturel. C'est complètement irréaliste. On compare des pommes et des poires. Cette hypothèse de modèle aventureuse conduit à un résultat extrêmement négatif de l'impact environnemental à l'étranger. Agroscope en conclut que le PPS favorise la déforestation et que presque tous les autres aspects environnementaux sont également influencés négativement.
L'étude est truffée d'absurdités de ce genre (voir les détails dans l'encadré), qui aboutissent en fin de compte exactement au résultat qui devait en ressortir.
La crédibilité mise à mal
Les résultats de l'étude Agroscope doivent être classés sous la rubrique "politique d'un institut fédéral", ils n'ont rien à voir avec la science. Vision Landwirtschaft se distancie donc formellement de cette étude.
Dans ce contexte, la profession de foi de la directrice d'Agroscope Eva Reinhard dans ses propos d'introduction à l'étude ressemble à une mauvaise blague :
"Elle (la science) élabore des bases scientifiquement fondées et transmet ces informations. Elle soutient ainsi la discussion objective et contribue à trouver ensemble des solutions durables".
Kés de l'agriculture : Les principales lacunes de la nouvelle étude TWI d'Agroscope
- L'étude part du principe qu'en cas d'adoption de la PIE, des surfaces agricoles supplémentaires devront être utilisées à l'étranger, et ce au détriment des forêts et des zones proches de l'état naturel. Cette prémisse - complètement irréaliste - conduit à un écobilan extrêmement mauvais des denrées alimentaires supplémentaires importées.
- L'étude ne tient pas compte des effets de l'initiative sur la sécurité alimentaire acceptée par le peuple en 2017. Les mesures qui sont déjà en préparation à la Confédération auront pour conséquence que les denrées alimentaires produites de manière nuisible à l'environnement ne pourront plus du tout être importées. La mise en œuvre de l'article sur la sécurité alimentaire sera achevée depuis longtemps lorsque les TWI déploieront leurs effets après une période transitoire de huit ans, c'est-à-dire à partir de 2029. Le bilan environnemental négatif des produits importés supplémentaires calculé par Agroscope n'aura alors plus aucun fondement. Sans la prise en compte de l'article sur la sécurité alimentaire, les résultats de l'étude n'ont donc aucune signification.
- De plus, l'étude ne tient pas compte du fait que la Suisse doit avoir réduit les pertes alimentaires évitables (food waste) de 50% d'ici 2030 (Sustainable Development Goal SDG 12.3). Il faudra ainsi produire beaucoup moins de denrées alimentaires et les besoins en importations devraient diminuer de plus de 20%. Même si le TWI devait entraîner une légère baisse des rendements dans certaines cultures, cette diminution de la production serait compensée plusieurs fois par le gaspillage alimentaire évité.
- 90% des travaux de recherche agricole actuels en Suisse portent sur des techniques de culture dépendantes des pesticides. La TWI demande que les moyens de recherche dans le domaine agricole soient systématiquement réorientés vers le développement de méthodes de production agricole durables et sans pesticides. Les experts estiment que si la recherche est réorientée vers des méthodes de culture agro-écologiques, les rendements des cultures sans pesticides ne devraient plus guère être inférieurs d'ici quelques années. Il ne serait donc plus nécessaire de recourir à des importations supplémentaires.
Documents complémentaires :
- Étude d'Agroscope