Comment l'agro-industrie, en collaboration avec les médias agricoles, tire l'argent des paysans de leur poche
Les médias agricoles regorgent d'annonces et de prospectus publicitaires sur les produits qu'un paysan "doit absolument avoir". L'agriculture suisse rapporte beaucoup d'argent. Elle dépense des milliards en aliments pour animaux, en compléments alimentaires, en pesticides, en engrais, en nouvelles machines, en nouveaux bâtiments. Les médias agricoles gagnent également beaucoup d'argent grâce à cette avalanche d'annonces. Pour garder les annonceurs en haleine, les normes de qualité journalistique de base sont régulièrement bafouées. La publicité d'entreprise cachée dans la partie rédactionnelle est monnaie courante. Les médias paysans portent ainsi une part importante de responsabilité dans l'agriculture suisse, qui bat des records et dépend aujourd'hui entièrement des paiements directs.
L'agriculture suisse a dégénéré en un chauffe-eau économique. Sur le marché, l'exploitation agricole moyenne ne gagne plus un centime, car tout l'argent qu'elle encaisse par le biais de la production est immédiatement redistribué aux branches en amont - pour les aliments pour animaux, les engrais, les pesticides, les machines, les constructions d'étables, les vétérinaires, etc. etc.
En bon français : en Suisse, la production est trop intensive et trop chère, bien plus que dans les pays voisins, grâce à de trop nombreux achats, souvent non rentables. L'agriculture suisse peut se permettre cela parce que les paiements directs y sont si élevés - environ 5 à 10 fois plus que dans les pays voisins. Grâce aux paiements de l'Etat, qui s'élèvent en moyenne à plus de 60 000 francs par exploitation et par an, le compte est bon, malgré les achats trop nombreux, trop chers et souvent nuisibles à l'environnement.
Les médias agricoles, qui vivent des annonces de l'agro-industrie, sont un moteur central de cette évolution. Chaque journal paysan déborde d'annonces et de prospectus pour des choses que l'on fait miroiter à l'agriculteur pour une production "sûre et élevée".
Mais les annonces ne suffisent pas. Les intérêts des entreprises agricoles se sont aussi profondément implantés dans la partie rédactionnelle des journaux. L'un de ces exemples a été présenté récemment La verte. Dans un article détaillé, on vante les grands avantages des sursemis pour obtenir des rendements élevés dans les prairies. Pour cela, il faut de bonnes semences et de bonnes machines pour les semer. Ces deux éléments sont présentés en détail et il est suggéré que sans ces mesures, aucune exploitation agricole tournée vers l'avenir ne pourrait plus pratiquer la culture fourragère intensive.
Il n'y a pas un mot sur les coûts engendrés par ces mesures ni sur le fait qu'une bonne gestion des prairies peut se passer de ces aides. En revanche, les entreprises qui commercialisent les outils vantés sont citées à plusieurs reprises dans le texte.
C'est ainsi que fonctionnent de plus en plus souvent les médias paysans, et c'est ainsi qu'ils sapent la rentabilité de l'agriculture suisse dans l'intérêt de leurs annonceurs. En outre, ils se rendent complices de leurs problèmes environnementaux. En effet, la plupart des intrants et des aides achetés sont mauvais pour l'environnement - y compris dans le cas présent : les semences introduisent des gènes étrangers, brûlent du diesel supplémentaire et, finalement, rendent possible une exploitation non durable et trop intensive des prairies.
